Le bel âge, n’est-ce pas quand on est trop vieux pour se souvenir que l’on a été jeune ?
Le bel âge, n’est-ce pas quand on est trop vieux pour se souvenir que l’on a été jeune ?
Réfléchis avant d’agir et avance avec prudence car l’irréversible te guette au coin du quotidien. Va décuire un œuf dur, remettre ta mousse à raser dans sa bombe ou rapatrier un spermatozoïde parti trop vite.
Comme le requin doit nager pour vivre, la parole doit circuler et s’échanger, faute de quoi, qu’elle enfle ou s’étiole, elle décline. On appelle cela le dialogue.
J’aime faire des inventaires (fond de poche d’écoliers, sacs à main, greniers sombres, mon bureau, les cousins côté maternel…) ; ils m’apparaissent souvent hautement poétiques. Sans doute parce qu’ils nous mettent face à la singularité des choses ; irréductibles, inclassables, rebelles à toute synthèse, réfractaires à tout genre.
Tu peux essayer sur un pied, sur les mains, sur un coude et un genou (essaie aussi, c’est plus difficile, sur deux genoux voire sur un coude) mais jamais, aussi subtil sois-tu, tu ne penseras sans contact avec le sol – tâche de le faire avec tact.
On ne saurait être juge et partie – pour des raisons qui tiennent moins à la déontologie qu’à l’optique.
Bien sûr que je n’aurais aucune chance de gagner une médaille, et dans aucune discipline, je ne suis pas naïf. Oui mais imaginez un peu que la crapette devienne une discipline olympique – ah !
L’important, c’est de participer, se persuadent les deux milliards de téléspectateurs des Jeux Olympiques.
L’amour est-il dans l’apprêt ?
Ils nous réjouissent, ces poètes, à décrire le tigre ou l’otarie ; comme ils nous raviraient s’ils racontaient aussi la vache et le poulet. Par défi ; par solidarité.
Tout coule, devisait Héraclite l’obscur
Tout croule, rectifiait Lamartine le lyrique
Rouh rouh, roucoulait Tartine le hamster
Nous sommes nombreux à avancer un peu les réveils et horloges de la maison (les GSM pour les plus branchés) afin de limiter les retards. Je me demande s’il existe des individus qui les retardent afin d’éviter d’être toujours en avance.
(Quant à ceux qui laissent leur montre à l’heure exacte, ils sont atteints, à l’évidence, d’une chronopathologie aiguë dont j’ignore le traitement).
Sois toi-même si tu veux, je préfère singer l'acteur qui imite un mime simulateur.
Et si tu veux penser sérieusement, fais-le en passant. Les idées, comme le béton, sèchent vite.
La courgette est fade
Le piment piquant
Sage qui chie bien aussi
Les yeux ne brûlent-ils qu’une fois ?
Non sans philosophie, Kiki le caneton comparait les destins des siens : est-il préférable de finir comme Dodo, le tonton mauricien, massacré par les marins et leurs chiens (faut dire aussi que tonton avait pris le rythme et l’humeur des îliens) ou comme Cancan, la petite sœur, envoyée se faire broyer (c’est à cause de son foie, beaucoup trop nervé) ou comme papa, qui a développé une stéatose hépatique en salle de gavage (en un sens on a écourté ses souffrances en le saignant) ? Et si, se mettait-il à rêver non sans naïveté, une grosse corne aux vertus antipyrétiques me poussait au-dessus du bec, on m’inscrirait peut-être sur la liste des animaux protégés.
– Pense avec tes pieds, lâcha le maître, et sens avec ton esprit, alors que le soleil s’annonçait.
Le disciple, quand l’astre de vie fut au zénith, de trébucher et, peu avant son coucher, de devenir fou.
Le pin hésite ; la montagne s’éteint. La nuit s'installe.
Attendre, n’est-ce pas lâcher la proie du présent pour l’ombre du futur ?
Brouillons les cartes, troublons les genres, poussons les murs, dépassons les bornes, floutons les concepts, emmêlons les pinceaux, gommons les frontières, joignons les deux bouts, salons la papaye et sucrons la fraise, rencontrons-nous, mélangeons nos humeurs et enlaçons nos subtils corps mais ne confondons pas le futur et le conditionnel.
Accueille aussi ceux qui ne viennent pas.
Zut alors, je voulais écrire un poème – c’était une belle idée – sur une fillette (elle aurait été en train de cueillir des coquelicots sauvages, par exemple, pour sa grand-mère, malade, ou mourante, ou les deux) mais mon dictionnaire de rimes me donnait ‘andouillette’, ‘coquillette’ (et elle se serait fait écraser par un tracteur, ou pas, peut-être conduit par le voisin de la grand-mère, célibataire et sans doute alcoolique), ‘grassouillette’ et ‘mouillette’ ; avec ça, trop de risques de contresens (ou peut-être qu’il l’aurait violée sur un lit de coquelicots). J’ai bien pensé à construire la rime sur ‘coquelicot’ mais là j’ai trouvé ‘asticot’, ‘chicot’, ‘dico’ (très drôle), ‘bourricot’, ‘Nico’ (au fait Nico, pense à me rapporter mon marteau, j’ai du bricolage à faire) et ‘haricot’ (remarque elle aurait pu être allée aux champignons – ça rimait avec ‘Avignon’, ‘bourguignon’, ‘mignon’, c’était bien tout ça, et aucune nécessité de parler de ‘troufignon’ – mais je ne m’y connais pas assez). Bien sûr, j’aurais pu prendre ‘grand-mère’, il y avait 'biopolymère', 'stéréo-isomère', (ou elle aurait pu être armée, disons, le fusil de chasse du grand-père mort l’année précédente, de vieillesse, eh oui, tout le monde ne meurt pas écrasé par un tracteur quand même !) 'concatémère' et puis 'blastomère' ou 'Saint-Nicolas-de-Sommaire' (ou avoir un sécateur, ça c’était vraiment plausible, et un coup de sécateur dans l’aorte ça peut faire de très gros dégâts) et même 'député-maire' ou 'pisse-mémère' – et là, on restait dans le champ sémantique du coquelicot – mais quand même, ça aurait manqué de style pour un poème sur une fillette qui se devait d'être délicat.
Donc, désolé, pas de poème aujourd’hui, je vais tondre la pelouse.
Les universités texanes autorisent les armes à feu. Et les stylos aussi.
Le silence, c’est autre chose, un peu comme l’œil du cyclone. Il sauve la parole du bruit.
Les deux écueils de la parole : le bavardage et la formule.