La pyramide des âges dit bien les choses, qu’au début la pente est raide, que la vue sur le derrière des premiers est affligeante et décourage, qu’à peine le sommet atteint, il faut redescendre sans avoir eu le temps de profiter de la position, que sur la fin il n’y a plus aucune vue sur rien, que ça glisse et en plus que ça pousse derrière.
Il arrive, comme dans un jeu télévisé, que certains retombent au départ avant d’avoir atteint le sommet, c’est drôle ! Il arrive aussi que certains essaient éperdument de remonter la pente juste avant la sortie, là, c’est pathétique – d’ailleurs personne n’a encore réussi.
Le plus étonnant (ou le plus affligeant, faudrait-il dire) quand on vieillit, alors que l’on change assez peu soi-même, c’est de constater les ravages du temps chez nos amis qui vieillissent tous tellement plus vite.
Serait-il possible que chacun pense la même chose ?
D’abord, d’abord, on se souvient, ensuite, on fait un nœud à son mouchoir, on griffonne un horaire ou une adresse, puis vient un jour où l’on note sur son agenda : « penser à regarder le post-it sur le réfrigérateur ». Plus tard encore – mais il est bien tard alors – on balise sa maison pour retrouver la cuisine.
D’abord, c’est le monde que l’on rêve de maîtriser, puis on se résout à ne régner que sur les plus faibles, ensuite on se contente de se dominer un peu soi-même, finalement, on se concentre sur
un ultime combat, se faire obéir par son sphincter.
L’âge est une belle école du pragmatisme et de la modestie ; il enseigne aussi l’anatomie.
C’est bien regrettable que l’on ne soit pas d’abord des vieux puis ensuite seulement des jeunes.
Ceux-là, pressés de manger autre chose que de la soupe, ne s’incrusteraient pas, fidèlement vissés à l’habitude des jours inertes ; ceux-ci, goûtant les nuances délicates de la lente
évanescence des choses, pousseraient moins dans les rangs.
Les premiers partiraient plus vite, les seconds rouleraient moins vite.