La carte est toujours moins que le territoire, mais le récit toujours plus que le voyage.
La carte est toujours moins que le territoire, mais le récit toujours plus que le voyage.
Méprisé par nos télescopes et nos microscopes, caché par nos écrans qui font écran, le réel, lentement et sans bruit, ignoré et hors champ, se retire.
Il faut de sérieuses motivations pour commencer.
Il faut d’audacieuses raisons pour continuer.
Pour finir, presque rien suffit.
Pour une métaphysique de proximité.
L’humour pour protéger la gravité de l’esprit de sérieux.
La gravité pour protéger l’humour de l’inconséquence.
Croire ou compter, il faut choisir, le tiers est exclu.
Si l’homme parvenait à se retourner si rapidement qu’il voie avant que de regarder, il assisterait à un désordre chaotique, bruyant et surexposé.
Je m’avance musqué, répondit Baur à Descartes, plus doué en chimie qu’en métaphysique.
L’écart se creuse entre l’infinie richesse des possibles et l’affligeante pauvreté du réel.
Pas aisé de comprendre qu’il y a plus de surprendre que de prendre dans le comprendre.
La nuit ne tombe pas, elle sourd du dedans et s’épand.
Et le jour ne se lève pas, il tombe du dehors et s’impose.
Mystère de l’idée qui toujours vient d’ailleurs et toujours nous échappe.
Elle demande juste un mot pour un instant la porter.
En échange de quoi, elle nous offre la lumière et le désir.
Pour un instant.
L’architecture est l’art de choisir ses fondations.
Sur l’oubli, matériau économique, on construit du rapide, léger, aérien. Conseillé pour les insatisfaits chroniques ; peut donner le tournis.
Sur la mémoire obsessionnelle, matériau quasi inaltérable, on construit du bourgeois, structuré, patriote. Conseillé pour les revanchards sans audace ; peut provoquer la constipation.
On peut aussi fonder sur le souffle du rire ou la patience du ressac, sur l’énergie du départ ou la générosité du chemin…
S’il l’aime sa Sophie le Philou, c’est parce qu’elle lui manque, disait à peu près Pythagore, si l’on en croit, selon Cicéron (Tusculanes, V, 3, 8), Héraclide du Pont.
Manque le manque parfois.
Alors, soit on décolle, soit on s’étiole.
Philosophe, soigne tes pieds !
Il est difficile de ne pas finir comme on a toujours commencé.
Plus difficile encore de ne pas recommencer comme on a toujours fini.
Assis sur un banc, sa vie à ses pieds comme un chien mou et patient, il avait fini par ne plus s’étonner de ce que son existence, cet inconcevable montage de nerfs, chiffres, rencontres, soumissions, rêves, cellules…, tienne encore debout, lors même que chaque seconde déjà vécue avait été grosse des plus épouvantables et très probables cataclysmes.
Était-ce la chance, l’adaptation ou la sérénité ?
C’est à l’automne que la nature fait son grand nettoyage, pas au printemps.
On serait bien inspirés, nous aussi, de ne pas conserver religieusement toutes nos feuilles mortes.
L’atelier du penseur, c’est la langue. Son marteau et son burin, les mots.
Les idées ?
Elles grouillent et grondent au dedans – fantômes aphones – et s’imaginent pouvoir réchauffer un bloc de marbre ou noircir une toile vierge. Quelle idée !
Selon un processus très efficace de vases communicants, le moi s’enfle de ce dont le monde est expurgé.
Désenchanté, celui-ci se vide, se tait, se retire hors du sens, pour n’être plus qu’un décor bancal, plan et pas cher.
Celui-là, obèse et obsédant, n’en finit plus de se raconter, s’écouter, se gaver.
Héros sans théâtre, sans histoire, sans public.
La peinture nous émeut, oui, et la littérature nous instruit sans doute, mais c’est la musique qui nous apprend l’attente et le silence, et le temps qui s’échappe et nous échappe.
Donnez de la lenteur à votre vie.
Donnez de la douceur à vos envies.
Ensuite, l’esprit libre et ouvert, demandez-vous ce que sont la passivité et l’action.
Il avait le cerveau plein de concepts coupants et le cœur sec comme un désert.
Plus bas son sexe n’était qu’un petit souvenir flétri.
On ne daube pas la vie impunément.
Dans passé il faut entendre passe et passage plutôt que dépassé.