Les contrôles d’identité morale sont rares et l’on porte le masque, acquis dans quelque enfance oubliée, comme une seconde peau.
Les contrôles d’identité morale sont rares et l’on porte le masque, acquis dans quelque enfance oubliée, comme une seconde peau.
L’existence est un vagabondage balisé – minutieusement absurde.
Voilà donc très exactement le deux mille quatre-vingt-dix-neuvième « reste » que j’écris.
Et vous, toujours, qui me suivez.
J’en suis très sincèrement touché et je voulais saluer cette fidélité complice et attentionnée. Pour vous remercier, je me suis dit qu’un petit reste vous ferait plaisir.
Ainsi fait.
Le bel océan rouge, ce soir encore ce soir
Roule sans espoir
Indifférent à l’indifférence des amoureux
Noyés tous les deux
Au creux de leur désir.
C’était vraiment bien pensé ces trous dans le crâne pour y loger nos deux yeux : bonne hauteur, horizon dégagé, vision panoramique, orbite protectrice… Pourtant – voyez comme elle est ingrate, l’humaine créature, jamais satisfaite ! – j’aurais trouvé ingénieux que l’on en possède un aussi au bout du doigt. Oui, un œil au bout du doigt, disons l’index. Imaginez un peu les nouvelles perspectives, chacun choisissant à sa guise son terrain d’investigation.
Inutile de mentir, ainsi doigté, je serais d’abord allé muser sous les jupes des filles, mais finalement j’aurais eu le doigt, je crois, moins endoscopique qu’égoscopique, si je puis le dire ainsi, et j’aurais pris plaisir et intérêt surtout à me regarder regardant mais sans me voir, je veux dire me regarder du doigt sans regarder mon doigt des yeux. Ce qui est aujourd’hui impossible, et c’est fâcheux, car s’il est vrai que le regard est la fenêtre de l’âme on reste ainsi privé d’un spectacle profond et intense que l’on ne saurait compenser que très partiellement par la vision de notre genou.
On nous annonce la séparation de Coq et Poule. Je transmets l’information.
(Bon, entre nous, le couple battait de l’aile depuis un moment et puis, pour ma part, et sans vouloir médire, je les ai toujours trouvés mal assortis - enfin, surtout elle.)
Le néant est l’autre nom du tout : là où plus rien ne vient.
Tous ces livres qui s’accumulent et me cachent la scène.
Pour ne rien vous cacher, j’héberge une imposture.
Avant la sieste, il faut savoir s’inventer d’impossibles missions et autres Tibets inaccessibles auxquels la raison impose finalement que l’on renonce. On prévient alors et la crampe et la culpabilité.
L’informatique rentrera au musée des métiers d’antan – je prends les paris – avant la poésie.
On progresse, je ne sais, on prolifère, assurément.
− Moi (sans pompe mais conscient de la gravité de la situation) : Bonjour, je peux vous poser quelques questions ?
− Moi (disponible et bienveillant, quoique méfiant à l'égard des reflets grisonnants) : Oui.
− Moi (appliqué comme un élève de CP un jour de rentrée) : Vous écrivez chaque matin un petit reste − petit par la taille, cela va sans dire [rire discret et sans malveillance – disons, sourire complice (mais sans familiarité pour autant)] – mais vous avez probablement d’autres activités, cela vous prend-il beaucoup de temps ?
− Moi (soucieux – mais sans plus – d’être clair) : Oui, si je veux un reste court, c’est long. Parfois je n’ai pas le temps de l’accourcir, alors le reste reste long.
Elle tient parfois plus de la purée de pois cassés que de la salade composée la vie de couple.
Notez, par ailleurs, que si elle sait être légère et colorée, la salade ne se congèle pas.
Comment faire comprendre aux faiseurs que l’on fait parfois plus en ne faisant parfaitement rien – en plus, et par le fait, on fait moins de bruit.
« Qu’importe le caleçon pourvu qu’on ait la fesse », proposa mon voisin, qui n’est ni poli ni poète.
« Il est évidemment hors de question que je fasse un reste de tes salauderies », lui mentis-je.
Il faut revenir aux choses souvent, les toucher, les sentir et les mettre à la bouche si l’on veut des mots goûteux.
Qu’importe le Falcon pourvu qu’on ait l’hôtesse.
Certains aiment le soleil d’autres préfèrent l’ombre il y a ceux du matin vifs et affairés et ceux du soir plus lents et plus intimes il y a les gras et colorés et les épineux et secs ou juteux et gourmands certains sont rares et fragiles d’autres banals et coriaces il y a les mots d’intérieur les mots de jardin les mots pour la ville pour la chambre pour l’hiver les mots exotiques nostalgiques endémiques épidémiques il y a les mots du grand nord et ceux des îles bleues et puis les mots qui soignent ou qui tuent ou qui droguent ou qui réveillent pour le ventre le sommeil l’accueil la fête la mort les départs l’amour. Crétacé canicule valériane ou pampa citron vert zinzolin fricassée tétrapode salicorne gris foncé granulé dramaturge ermitage pomme de terre poisson-pierre pélican et licou et papangue doliprane ellébore doryphore filaos et rital plouc tank black soc fric musc et tek-tek…
– (Entre elles) : Eh, t’as vu le vieux en face, il est marrant, on dirait ton grand-père.
– (Entre eux) : Eh, t’as vu la petite en face, elle est mignonne, on dirait que je lui plais.
La mer a ses errances, la pensée ses marées.
Les experts en sécurité électronique ont constaté que le mot de passe le plus couramment utilisé est « motdepasse ».
Bien sûr, j’entends déjà les geeks patentés se gausser [point-virgule tiret parenthèse] et pourfendre l’expertise carencée et l’imaginaire déficitaire du vulgum pecus [tiret underscore tiret].
J’y vois moi, au contraire, la double preuve d’une belle confiance et d’une ironie salubre [deux-points tiret slash].
Je ne serais pas étonné qu’un monde privé de mots soit aussi un monde sans couleurs.
Hammam ou sauna ? LCR ou MDR ? Ravel ou Debussy ? Coque ou mollet ? Schizo ou parano ? Héraclite ou Parménide ? Gazeuse ou plate ? Dessert à l’étage ou fromage au désert...
Les changeants, les curieux, oui, et les volages, les infidèles aussi se régalent dans ce monde à multiples choix (d’autant que les alternatives – les gourmands ne le savent que trop – sont inclusives pour la plupart) mais les indécis, toujours sur le balan, doivent y vivre un calvaire incessant.
En érection, la belle affaire, je ne mesure jamais qu'un mètre soixante-douze et demi.