Le hasard a goût de destin.
Le hasard a goût de destin.
Bien sûr qu’un petit catéchisme du quotidien (ne te brosse pas les dents avant le petit déjeuner ; attache la clé de la voiture avec celle de la maison − ça te fera un gros trousseau malcommode, mais ça t’évitera quelques aller-retour ; ne prends pas les raviolis à midi si tu as ta chemise blanche ; ne range pas tes lunettes dans un endroit où tu ne saurais les voir sans… lunettes ; ne joue pas les héros le soir si tu n’as pas les moyens d’être convaincant…) serait fort utile et éviterait nombre de déconvenues qui savent vous ternir durablement une existence qui pourtant, en toute humilité, ne demande qu’à persévérer bourgeoisement dans son être − comme disait, à peu près, Spinoza qui, quoiqu’ignorant tout des raviolis, eu égard à ses origines, non pas italiennes ni portugaises mais, comme son nom ne l’indique pas, hollandaises, s’y connaissait drôlement en lunettes. Cela étant, concédons-le, ne font-ils pas le charme de la vie ces dysfonctionnements inopinés, ne nourrissent-ils pas les plus délicieux récits, une fois l’ouragan passé, ces accidents impondérables, ces trébuchements irrécupérables ?
Perdu monde. Merci déposer ici. Petite récompense.
Trop clair, l’ordre ; trop obscur, le code.
Et le sens, interdit, est assigné à insignifiance.
Masqué, il avance ; nu, il recule.
Un grain, une chair, une voix : l’œuvre n’est ni un message du dedans ni un appel du dehors.
Ne pleure le soleil ; ne mendie la lune.
Chante le feu et danse la paix.
Le bruit sinistre d’un petit matin rouillé.
Savais-tu que la braise folle perd son goût d’ailleurs mêlée aux bavardages ?
Tu le savais.
Savais-tu que la palissade ocrée ferme les errances scellée dans les repères ?
Tu le savais.
Savais-tu que les songes frissonnants taisent les ivresses remisés à leur place ?
Tu le savais.
C’est quand il est sale et dangereusement opaque qu’on le voit, seulement, le pare-brise.
L’avenir n’est pas devant nous, parce que ce n’est pas un espace, mais un souci.
Retiré dans des parenthèses confortables et insonorisées, il contemple, sans le son, les cris et la fureur d’un monde qui suinte et craquelle.
La nature, lente et massive, semble copier l’homme, et s’énerve et gesticule.
Ton regard pour horizon. Ton sourire pour voyage. Ta main pour compagne.
Le crapaud tout énamouré de sa crapaude pustuleuse s’émerveille de ses facétieux et gluants crapoussins.
Admirable leçon de tolérance esthétique !
Tournoiement illisible
Oiseau trop bavard
Message incompris
Égriser les rustres.
Abrutir les élégantes.
Voilà bien trois heures que ce papillon de nuit − un Noctua pronuba, me semble-t-il − s’agite, telle une comète disgracieuse, autour de ma lampe. Trois longues heures d’une vie qui n’en comptera pas plus de quarante-huit !
Comment peut-on manquer à ce point d’ambition.
Tu tiens combien de temps sous l’eau sans parler ?
Quelle est donc cette féline présence qui toujours m’accompagne et me nomme, ici là d’une absence sans distance, et qui rode en dedans, obsession douce blessure lente mélopée intime, sans insistance et douleur, souple, vigile, racée comme un astre intérieur et vital qui irrigue le sang du monde et la chair de mes rêves ?
Serait-ce toi ?
Le désir a des ailes.
Mais le cul gros aussi et le cerveau étroit qui le rendent pataud, fier et lourd à la fois.
Toujours le soir finit par tomber. Tombent aussi les masques à la faveur de l’aube recommencée, et tombent encore les organes, lourds comme le renoncement consommé.
Douterais-je ?
Là où les sentes ont déserté, laissant place, trop lentes et sans élégance, à des réseaux lumineux et luxueux, là se retirent aussi la trace et l’odeur, et la terre fait silence dans l’oubli des noms, et la terre fait silence dans le noir de l’ordre.