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C'est Peu Dire

  • : Les Restes du Banquet
  • : LA PHRASE DU JOUR. Une "minime" quotidienne, modestement absurde, délibérément aléatoire, conceptuellement festive. Depuis octobre 2007
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Et Moi

  • AR.NO SI
  • Philosophe inquiet, poète infidèle, chercheur en écritures. 55° 27' E 20° 53' S

Un Reste À Retrouver

15 octobre 2018 1 15 /10 /octobre /2018 02:14

L’homme est le seul animal à se prendre pour un homme

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14 octobre 2018 7 14 /10 /octobre /2018 02:27

Pourquoi n’avait-elle pas envoyé ce fichu cahier noir ? Que pouvait-il contenir de si tragique ? Avait-il seulement existé ? Finalement, cela m’importait peu. Pour être honnête, le monde retrouvé d’Odette m’intéressait moins que la disparition de Nora.

Pourquoi avait-elle disparu ? Perdre l’amour pour le sauver – je répétais cette phrase en boucle – mais c’est insensé, on ne sauve rien en le perdant. Il y a un minimum de sens requis en deçà duquel c’est le chaos total. Moi, je la perdais pour la deuxième fois, qu’est-ce que j’avais sauvé ? Des souvenirs ? La belle affaire, c’est juste bon à alimenter une dépression.

Ou peut-être était-ce moi qui n’avais pas eu les mots ou les gestes pour retenir celle que j’aimais. Je m’en voulais, comment peut-on aimer autant et comprendre si mal !

 

J’ai recommencé cinq fois l’écriture du livre. Un récit, peut-être, plutôt qu’un roman. Je n’ai toujours pas de titre (je pense tout simplement à Moi, Odette Bélurier, mercière à Baume-les-Messieurs). Ces histoires m’obsèdent et je sens que je dois m’en séparer, pour Nora, pour moi. Je vais mieux, mais reste fragile. D’elle aussi, je devrais me séparer. J’ai la nostalgie trop mélancolique ; j’aimerais, si c’était possible inventer une nostalgie légère, une nostalgie saine et féconde et pouvoir garder mes souvenirs, joyeusement, sans me morfondre. Elle mérite mieux que ma neurasthénie. Pouvoir la garder à distance, dans le ciel bleu de ma mémoire. Comme un cerf-volant.

Je sais que je ne la reverrai plus. Si j’avais été moins paresseux, j’aurais cherché à la comprendre, j’aurais pu essayer de faire pour elle ce qu’elle avait fait pour Odette. Elle avait dû subir de vrais traumatismes. Je ne l’avais pas comprise.

 

Une chose m’avait étonné au début de notre relation sans que cela m’ait inquiété ; aujourd’hui je crois comprendre mieux. En fait, nous n’avons « vraiment » fait l’amour qu’à partir d’avril ou peut-être mai. Avant, nous nous couchions nus, nous nous caressions pendant des heures et quand je n’en pouvais plus de désir, elle me masturbait ou me suçait. Elle semblait satisfaite ainsi. Je m’étais habitué à cette façon de faire, j’aimais et je ne posais pas de questions. Elle avait un corps magnifique et une peau d’une douceur extrême. Ce corps, tellement excitant, il fallait le voir nu pour l’apprécier car elle portait toujours des pulls très amples aux manches trop longues. Dehors, dans la rue, elle n’était pas très tactile, pas très expressive, parfois j’essayais de lui prendre la main, mais cela ne durait jamais très longtemps. De retour dans la chambre, elle devenait câline et sensuelle et ouverte. Mais dehors, dans la rue, non, quelque chose n’allait pas.

 

 

 

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13 octobre 2018 6 13 /10 /octobre /2018 02:51

Il y a ceux chez qui ça vient trop vite ; il y a ceux chez qui ça ne vient pas ; il y a ceux chez qui ça vient et revient ; il y a ceux chez qui ça vient régulièrement mais avec parcimonie… Il y a toutes sortes d’écrivains.

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12 octobre 2018 5 12 /10 /octobre /2018 02:10

Les plus grands penseurs n’ont jamais eu qu’une seule idée, disait Bergson. Pour les autres, c’est un peu moins.

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11 octobre 2018 4 11 /10 /octobre /2018 02:56

– Pierre : Dis donc, tu ne voudrais pas les aider un peu, en bas, ils ne vont jamais s’en sortir.

– Dieu : J’aimerais bien mais je ne peux pas.

– P : Comment ça, tu n’es pas omnipotent ?

– D : Eh ben non.

– P : Mais pourquoi tu les as laissé faire, tu savais bien qu’ils détruiraient tout.

– D : Pas du tout, je n’avais pas prévu ça.

– P : Ah bon ! Et tu n’es pas omniscient non plus ?

– D : Voilà. Tu as tout compris.

– P : Mais alors, tu n’es qu’un imposteur !

– D : Tout de suite les grands mots. Je fais comme Lacan qui explique ça très clairement. L’important n’est pas ce que l’on est mais ce que les autres croient que l’on est.

– P : Oui ben un peu de modestie, ne te compare pas à lui. Lui au moins il a écrit des livres.

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10 octobre 2018 3 10 /10 /octobre /2018 02:23

Les faiseurs de mots sont, le plus souvent, bien inspirés. Crépusculaire et camaïeux et foutriquet disent joliment de jolies choses ; et de vilains mots comme salmigondis, concupiscent, ou pouacre disent vilainement les vilaines choses qu’ils nomment.

En revanche je m’explique mal le choix du mot éburnéen – si vilain mot fait de burne éberluée, de burin et d’urée, de nez et de néant – pour qualifier de si jolies choses.

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9 octobre 2018 2 09 /10 /octobre /2018 02:32

Donner vraiment la parole, offrir son silence.

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8 octobre 2018 1 08 /10 /octobre /2018 02:33

J’aime les vents infidèles qui n’insistent pas et partagent leurs chants et j’aime tout autant la stèle qui se tient, butée, et résiste au temps, riant bien de son impudence.

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7 octobre 2018 7 07 /10 /octobre /2018 02:19

À ce jour Nora ne m’a toujours pas envoyé le cahier noir ; elle ne le fera pas. Je ne l’attends plus. J’ai presque fini son livre. Nous sommes le 5 mars 1994 ; je le sais parce que Cyril Collard est mort il y a un an exactement. Il avait trente-cinq ans. C’est commode ce truc d’Odette d’associer les événements.

Cela m’avait fait quelque chose, sa mort. Il avait le sida. Je n’étais pas un proche, mais je l’avais croisé dans les années soixante-dix au lycée Hoche, à Versailles. Une certaine distance nous avait rapprochés, je veux dire distance au monde, aux valeurs, au sens. On écrivait tous les deux ; on avait échangé nos textes. Il était prolixe déjà, et très lumineux, étonnamment.  Et puis évidemment, je pensais à son film, Les Nuits fauves et à Lora (jouée par Romane Bohringer) qui ressemble un peu à Nora, à une lettre près le même prénom, les yeux noirs, la frange, les cheveux longs, les seins, l’insolence, la joie de vivre (à la différence que je n’ai jamais vu Nora s’effondrer). Moi, je ne ressemblais ni à Jean, ni à Samy, les deux autres pointes du triangle fou de ce film. Je venais d’apporter les dernières corrections au chapitre du « mariage à trois » d’Odette et je le comparais au trio infernal du film, Jean, Lora et Samy ; ils étaient aux antipodes. J’avais aimé ce film, mais j’en étais sorti harassé : le sida, les cris, la jalousie, le masochisme, la drogue, la vitesse, les ratonnades, l’hystérie, la passion. Le film d’un homme avide et pressé, attendu par une mort impatiente qui allait effectivement l’attraper quelques mois plus tard ; la fureur de vivre d’un condamné à mort.

Bien sûr, notre histoire d’amour n’avait rien à voir, nous étions lents, Nora et moi, sains, simples et nous étions deux, enfin c’est ce que j’ai toujours cru. Je me demandais néanmoins s’il n’y avait pas dans ce film une explication à la disparition de Nora. Nora aurait réussi là où Lora avait échoué : partir quand l’amour est à son zénith, totalement pur, partir avant qu’irrémédiablement il ne décline ou se délite et se transforme en ses contraires monstrueux, la folie ou la haine. Perdre l’amour pour le sauver ?

Mais non, c’était répondre à l’impossible par l’absurde, c’était lâcher la proie du quotidien pour l’ombre du mythe. Ne se cachait-il pas là aussi le mensonge romantique cher à Nora. Je n’avais pas les épaules d’un héros et ne voulais pas de son destin fatal ; je ne voulais pas être le personnage principal d’une histoire extrême, je ne voulais pas de la vie de Jean, brûlante, urgente, sans concessions. J’étais prêt à en faire, moi, des concessions, et une promenade lente au jardin des Tuileries, une sieste au Vert-Galant ou un navet au Paramount-Opéra m’auraient suffi. Je ne voyais pas en quoi l’excès, la frénésie et le désespoir étaient grandioses : mensonge romantique. Je n’avais pas soif d’absolu, ni faim de transcendance : mensonge romantique. Toutes ces formules ronflantes me semblaient ressortir à une pseudo-philosophie d’adolescents attardés. Et puis, ce qui était sublime au cinéma pouvait être inepte dans la vie. C’est pourtant très clair, le monde n’est pas un écran et la vie n’est pas un film.

Une des premières fois que j’avais vu Nora poser une question sans enchaîner sur une multitude d’hypothèses ou une chanson de Renaud, c’était au square du Vert-Galant, on lisait Les Cerfs-volants de Gary. « Est-ce que tu sais ce que c’est l’amour, toi ? est-ce autre chose qu’un film ou une histoire ? » Je n’avais pas trouvé les mots et j’étais resté silencieux parce que je cherchais une réponse savante, là-haut, dans mon cerveau. J’aurais dû lui répondre que l’amour filmé ou écrit n’est pas l’amour, que l’amour ne supporte ni la caméra ni le stylo ; j’aurais dû lui dire que l’amour, comme la vie, peut être ordinaire, avoir ses moments d’hésitation, être courbaturé au réveil, avoir envie de silence et de solitude, j’aurais dû lui dire que l’amour s’accommode de la grisaille du quotidien et se dit parfois dans une prose peu inspirée. Ce n’est pas pour autant un amour que l’on économise, un amour à feu doux ; ce n’est pas un amour chétif que l’on ne sort que les jours de printemps. C’est un amour simple, un amour à vivre, un amour artisanal à fabriquer, à entretenir, à réparer en permanence. Alors bien sûr, ce n’est pas très romantique cette idée, pas même romanesque, peut-être est-ce tout simplement réel et, c’est vrai, le simplement réel ne fait pas de grandes histoires passionnantes. J’aurais dû lui répondre cela ; je ne sais pas ce qu’elle en aurait pensé.

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6 octobre 2018 6 06 /10 /octobre /2018 02:52

J’aime me lever avant tout le monde et surprendre le soleil lui-même. Et cette joie est décuplée quand je peux me recoucher à l’heure où les autres se réveillent.

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5 octobre 2018 5 05 /10 /octobre /2018 02:48

On est vieux quand on cesse de vouloir rester jeune ; ce qui ne signifie pas qu’on est encore jeune quand on ne veut pas être vieux.

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4 octobre 2018 4 04 /10 /octobre /2018 02:34

La perfection est infréquentable.

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3 octobre 2018 3 03 /10 /octobre /2018 02:40

À trop prévoir, on s’enferme ; à tout garder, on se fige. Répondre « présent ! » à l’appel du temps.

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2 octobre 2018 2 02 /10 /octobre /2018 02:14

La vie a quelque chose de ces casse-têtes très agaçants. Un jour on découvre que la solution était toute simple.

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1 octobre 2018 1 01 /10 /octobre /2018 02:39

Je dois vous avouer que je ne termine jamais mes trails parmi les premiers. Mais il y a une raison à cela, que vous ignorez et qui n’a rien à voir avec mes qualités incontestables de coureur. Je n’oublie jamais de m’arrêter, un petit kilomètre avant la ligne d’arrivée, pour remettre ma casquette d’aplomb, remonter mon short et enfiler un tee-shirt propre.

Oui parce qu’il faut toujours se tenir prêt, disait une grand-tante restée célibataire jusqu’à la fin. Se tenir prêt à quoi ? Mais à l’imprévisible justement, ce qui vient ou ne vient pas mais qui échappe toujours à toute stratégie et se moque de toute préparation.

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30 septembre 2018 7 30 /09 /septembre /2018 03:52

 « Je sais que tu ne me dois rien, c’est même plutôt l’inverse, mais finis-moi ce livre, ça ne devrait pas être très long. Tout est expliqué à l’intérieur ; il y a les enregistrements d’Odette, mes propres enquêtes et mes analyses. Je ne peux pas tout te dire, mais c’est plus qu’important. Fais-le en souvenir de nous, tu comprends. Je ne veux pas une deuxième chance, j’aimerais seulement une belle fin. Une fin plus belle que ce petit mot minable que j’ai jeté dans ta boîte aux lettres. Je pense que ça ne sera pas très difficile à écrire, il suffit de trier et ranger un peu, n’hésite pas à supprimer ce que tu veux. Tout à l’heure, tu disais à Zaïna que tu aimais les fins qui finissent sans finir. C’est quelque chose comme ça que je voudrais pour nous. »

« Tu sais, pour le mot, il faut que je te raconte. J’étais restée toute la nuit devant chez toi avant de le mettre dans ta boîte aux lettres, je le tenais dans ma poche et je regardais ta fenêtre, je te promets, je voyais les heures défiler et je n’arrivais pas à me décider. Vers cinq heures et demie, au lever du jour, je me suis approchée de ta boîte aux lettres, j’hésitais encore, j’attendais un signe qui me guiderait, j’ai même pensé à un moment monter en courant pour réveiller ton corps. Je ne savais pas quoi faire, jamais je n’avais hésité autant dans ma vie ; quand j’avais des choix à faire, il y avait toujours une voix en moi, une voix douce, mais très claire qui me disait ce que je devais faire. Et cette voix se taisait. »

« Et puis un voisin est passé, il m’a fait sursauter en me demandant si je cherchais quelque chose, alors, d’un geste totalement mécanique, j’ai glissé mon mot dans ta boîte aux lettres et je suis partie en courant, complètement paniquée. Mon mot, je le voyais tomber lentement comme un noyé qui coule dans l’océan, un corps qui tombe inexorablement et sans jamais toucher le fond ; cette chute lente et interminable me rendait folle. Excuse-moi de te raconter tout ça. J’aimerais juste que tu nous écrives une autre fin. »

« Je sais bien qu’il ne s’agit pas de nous, je ne suis pas Odette ni Yvonne, sa cousine, ni Berthe, sa tante, mais j’y ai mis un peu de moi quand même, dans cette enquête. Et peut-être un peu de toi. Je ne veux pas une thèse d’anthropologie, d’ailleurs j’ai abandonné l’anthropologie, je veux que tu racontes une histoire. Mais pas une biographie linéaire non plus. J’aimerais un livre court et doux. J’ai lu ton roman, Les Filles en automne, c’est beau, sincère, intelligent, tu as du talent. Écris une belle histoire, pour moi, pour Odette, pour nous. Tu as carte blanche, tu peux trier, j’aimerais que tu n’inventes rien. À la demande d’Odette, j’ai modifié quelques noms, mais l’essentiel est vrai. Encore une chose très importante, signe le livre de ton nom. Je sais, ça paraît contradictoire tout ça, essaie quand même. Ah, il y a aussi le cahier noir d’Émile que je dois encore te donner, je te l’envoie rapidement. »

 

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai accepté. Au moment de la quitter, je crois que j’aurais aimé la voir rester. Nous nous sommes longuement regardés, j’avais envie de la raccompagner chez elle, enfin, j’avais envie qu’elle ait envie que je la raccompagne. Je ne savais pas ce qu’elle voulait, elle. J’ai espéré qu’elle parle ; je n’ai rien dit. Puis elle m’a pris la main et m’a dit « Odette est morte apaisée, je crois, moi je suis vivante, mais ça ne va pas trop fort, j’ai besoin que tu écrives ce livre, c’est important ». Elle m’a embrassé, sur la joue, à la naissance des lèvres, avec une infinie tendresse. Il me semble que j’ai essayé de retenir sa main. Je crois qu’elle s’est dégagée doucement. Elle m’a fixé, sourcils froncés, lèvres serrées, yeux immobiles ; j’attendais qu’elle sourie. Elle m’a souri. J’allais ouvrir la bouche, je devais parler, il fallait que je lui dise quelque chose, je ne sais pas, reste un peu encore ou quelque chose comme cela, ou bien que je lui propose d’aller voir Les Amants du pont Neuf au Paramount-Opéra. Elle a mis son index sur mes lèvres et a soufflé « chut... ». Puis elle est partie, elle s’est retournée une fois, elle souriait toujours, je crois qu’elle pleurait aussi, je n’en suis pas sûr. Elle a disparu.

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29 septembre 2018 6 29 /09 /septembre /2018 02:59

Face à l’odieux, le rigide, le haineux, le mortifère, je suis pour la liberté de ne pas écouter.

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28 septembre 2018 5 28 /09 /septembre /2018 02:14

Il faut pour réussir un dialogue, écoute et bienveillance ; pour réussir un débat, il faut des protéines et des décibels.

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27 septembre 2018 4 27 /09 /septembre /2018 02:39

Préserver sans thésauriser ; donner sans dissiper.

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26 septembre 2018 3 26 /09 /septembre /2018 02:27

Six chimères déçues chargées de six mères déchues dessus qui déchargent à la chaîne : quelle scène ! Ça sert à rien mais ça déchire.

Quant à la chasse, il faut cesser ce chahut si choquant.

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25 septembre 2018 2 25 /09 /septembre /2018 02:18

L’innocent parfois ignore, mais l’ignorant est-il toujours innocent ?

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23 septembre 2018 7 23 /09 /septembre /2018 03:51

« Tu vas peut-être me dire que ça n’a aucun sens et que ça vient trop tard aujourd’hui, mais je voudrais m’excuser. Ça va te paraître absurde que je te dise ça, mais tout s’est effondré pour moi aussi et il n’est pas certain que je m’en sois jamais remise. C’est vrai que j’ai tout aimé de toi, tes belles idées et tes petites bouderies courtes et ridicules, tes fragilités, ta culture, ton côté sombre et rentré et ton écriture si claire, si vive, si juste. Et bien sûr, tes câlins interminables. C’est pour tout ça que j’ai pensé à toi aujourd’hui, je vais t’expliquer. Bon, pardonne-moi, en effet c’était très lâche, en plus je pense que ça a été une énorme connerie, cette rupture, mais comme tu dis on ne fait pas demi-tour dans la vie. »

« Nora, mon problème n’a jamais été d’excuser et encore moins de pardonner, juste de comprendre. Pourquoi ? Pourquoi être partie ? »

« Comprendre, oui. Tu sais, c’est compliqué, moi-même je ne comprends pas tout. C’est difficile de parler parfois. Mais je ne veux pas de tristesse aujourd’hui. Pas de nostalgie, juste quelques souvenirs. Tiens, tu sais que Freddie Mercury vient de mourir. Il avait le sida. Il était malade depuis longtemps, mais il ne voulait pas que cela se sache. C’est difficile de parler de sa maladie, tu ne sais jamais ce que l’autre peut en faire ; tu ne sais jamais ce que l’autre peut te faire. L’autre, quel drôle d’animal, quelle chose curieuse ; ce n’est pas notre spécialité, hein ? ni à toi ni à moi ; enfin tu t’es peut-être amélioré depuis, moi c’est toujours "peut mieux faire" dans la matière. Tu écoutes encore Queen ? »

Elle a sorti de son sac un walkman et m’a mis le casque sur les oreilles.

« C’est ce que j’écoutais en venant, ça s’appelle The Show Must Go On, c’est le dernier morceau de leur 33 tours. Freddie Mercury sait qu’il est condamné, ça sonne comme un testament et en même temps c’est un hymne à la vie. C’est beau. Empty spaces – what are we living for ? Excuse-moi, j’abuse, j’espère que je ne t’agace pas, je ne voudrais surtout pas te faire souffrir ; je sais bien que tu as besoin d’avancer. Does anybody know what we are looking for ? Je vais te laisser, mais je suis tellement contente de te voir. Tu entends, I’ll soon be turning around the corner. Outside the dawn is breaking. Pour ne rien te cacher, j’ai un peu de mal avec mon présent, alors je retourne parfois dans mon passé, tu vas dire que ce n’est pas un retour, mais une fuite, peut-être, mais j’y suis bien, au calme. Et avec toi. But inside in the dark I’m aching to be free. Alors, tu aimes ? De temps en temps je réécoute Bohemian Rhapsody. Tu te souviens, caught in a landslide, no escape from reality ; qu’est-ce qu’on a pu l’écouter, ce morceau, on le connaissait par cœur, je n’ai pas oublié les paroles, anyway the wind blows. »

« Nora. »

« OK. Excuse-moi. Donc, que je te dise pourquoi je veux te voir. C’est grave et urgent. »

 

Elle a rangé son walkman et sorti à la place un épais dossier jaune qu’elle a posé sur la table. Il contenait deux à trois cents pages dactylographiées, une centaine de pages manuscrites (avec beaucoup de ratures, découpages, collages), une centaine de fiches A5 et quelques photos, il y avait aussi un sac rempli d’une dizaine de cassettes audio.

« Tiens, c’est l’histoire d’Odette, le monde retrouvé d’Odette. C’est un récit de vie à partir d’entretiens que j’ai menés. Odette était une mercière analphabète, née à Baume-les-Messieurs à la fin du XIXe siècle. Je l’ai rencontrée dans les années quatre-vingt. Je suis sur le projet depuis dix ans, je n’y arrive plus, ça m’oppresse, je te donne tout ; j’ai accumulé et juxtaposé trop de détails, je ne vois plus aucune cohérence, il me manque un fil narratif et une intention. Je t’en supplie, termine. »

Comme elle le faisait, elle s’est arrêtée longuement, me fixant, sans rien attendre, comme pour laisser un blanc dans le temps, un blanc, une parenthèse pour s’y glisser et exister purement et simplement, sans raison. Puis elle a continué.

 

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22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 02:03

Chez Sacha, quand ça suinte du chibre, c’est sa chère qui lèche – la chance !

Quant à la chasse, il faut cesser ce chahut si choquant.

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21 septembre 2018 5 21 /09 /septembre /2018 02:41

Il est une spiritualité de la transcendance qui donne le torticolis ; il est aussi une spiritualité laïque, à hauteur d’homme.

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20 septembre 2018 4 20 /09 /septembre /2018 02:04

Le chien sachant sécher sans échasses doit châtier les chats chassant sans chagrin

Quant à la chasse, il faut cesser ce chahut si choquant.

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